Vingt-neuf jours

En 1985, le Révérend Marcel Eugène Hodge ouvrait la maison d’hôtes Les Alizés à Grand Case. Voici, selon ses propres termes, comment il a imaginé, construit et ouvert cette maison d’hôtes.

C’était quand je travaillais dans la construction au Galion, chez Bernard, un type super. Il était vraiment super. Il n’avait pas énormément d’argent à l’époque, mais il en avait quand même toujours. Il ne devait jamais un franc à personne. Donc, je le voyais arriver au travail tous les jours. À neuf heures, il était là. À onze heures, il rentrait chez lui parce qu’il devait retourner à Marigot pour prendre son repas avec sa femme et ses enfants.

Alors j’ai dit aux travailleurs : « Regardez-moi ça. Cet homme ne passe que deux heures ici. C’est nous qui gérons le travail. Je m’occupe de l’entretien, on a d’autres gars avec nous, les femmes font tourner la boutique, et lui c’est le directeur. Pourquoi on ne pourrait pas se mettre tous ensemble, acheter un terrain près de la plage et en faire un petit hôtel ? »

Ils ont trouvé que c’était une idée vraiment dingue. Ils disaient : « Hodge, mon vieux, on sait que tu es intelligent, on sait que tu es sage, mais ça c’est la chose la plus dingue qu’on ait jamais entendue de ta part. Et tu vas faire comment ? »

Je n’arrêtais pas d’y penser, oui, ça pouvait se faire. Alors, quand je me suis décidé, j’ai créé la maison d’hôtes ici en 1982, 1983. J’ai commencé à construire ici. J’avais si peu d’argent en poche que pour construire trois chambres, ça m’a pris trois ans.

Mais en 1985, le 25 octobre, on a ouvert avec trois chambres. Personne dans le village n’a trouvé que c’était une bonne idée. Ils m’ont dit : « Pourquoi tu ne les loues pas simplement au mois ? » On pourrait se faire 25 dollars par chambre, donc pour un mois, j’aurais probablement 75 dollars. Mais j’ai dit : « Non, c’est une maison d’hôtes. » Et ils se sont moqués de moi. Certains étaient désolés pour moi.

Le jour où j’ai ouvert, personne n’est venu. J’avais simplement mis un panneau au bord de la route : Maison d’hôtes Les Alizés. Dix jours, personne. Vingt jours, personne. Vingt-cinq jours, personne. Et chaque après-midi, les amis venaient aux nouvelles. Certains compatissaient, d’autres se moquaient de moi : « Salut, prêcheur, et la maison d’hôtes, mon vieux ? Elle est pleine ? Elle n’est pas encore pleine ? » Je disais : « Non, pas encore, personne n’est encore venu. »

Et quand on en est arrivé à 29 jours, un couple est passé par là en Volkswagen. Ils passaient la nuit à Philipsburg et ils partaient sur un voilier à trois mâts quelque part dans les Caraïbes. Ils sont venus parce que, disaient-ils, « C’est une village de pêcheurs et on avait envie de rester ici pour la nuit, on a vu le panneau et on est entrés. »

Et ils ont dit : « Combien pour la nuit ? » Et j’ai répondu : « 25 dollars américains par nuit pour une chambre. » Si vous saviez à quel point j’étais fier. Je me sentais si fort, si important. Après trois ans de construction, je recevais mes premiers 25 dollars.

Après leur départ, on a commencé à recevoir une puis deux personnes. Parfois les trois chambres étaient louées, parfois une, parfois deux. Jusqu’à l’arrivée d’Irma il y a trois ans, douze mois par an, on n’était jamais vide six nuits de suite. Au maximum, on est restés sans client pendant cinq nuits. Mais la sixième nuit, on avait à coup sûr des clients.

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